Guêtres

L’un de mes souvenirs les plus lointains concerne les guêtres, ce vêtement honni dont on m’affublait dans ma petite enfance. Ce devait être vraiment la toute petite enfance, car il me semble qu’après trois ans, lorsque je n’étais pas en robe, j’avais des salopettes ou portais des pantalons.

Mais à deux ans, deux ans et demi, s’il faisait froid j’étais bonne pour les guêtres. Ce vêtement épais et laid ne se portait pas à la maison : on en couvrait, exclusivement à l’heure de la promenade, les jambes enfantines sur toute leur longueur laissée nue, entre la socquette et l’ourlet de la jupe.

Maman saisissait mes jambes, les enfournait dans deux morceaux jumeaux de gros coton blanc qu’elle ajustait par une série de petits boutons, fermés un à un tout le long du mollet. Ce n’était pas seulement la longueur du processus qui me rebutait, mais aussi la conscience – à un âge si tendre – des poteaux d’éléphanteau que j’avais pour jambes à la fin de l’opération.

La tenue était souvent complétée par des « snow-boots », chaussures en caoutchouc blanc, qu’on enfilait, je crois, par-dessus de petits chaussons. Un élastique passait enfin sous la semelle du snow-boot, pour maintenir la guêtre aussi bien tirée que possible, ce qui ne l’empêchait pas de plisser sans grâce autour de la cheville et de chagriner fort l’éléphanteau.