Charbon
Un autre temps fort de la vie dans les années cinquante, c’était le jour de livraison du charbon. Car nous avions à la cave une chaudière à charbon, que Papa devait réalimenter chaque matin dès potron-minet, en pestant fort.
Les charbonniers nous impressionnaient, nous les enfants, car ils portaient d’énormes gants et avaient un visage barbouillé de noir dans lequel brillaient de grandes dents. Au jour dit, ils pénétraient dans le jardin et déversaient en vrac, par le soupirail, de grosses pelletées de charbon crissant qui allaient s’entasser dans la cave.
Papa devait encore déménager ce tas pour le transférer à côté de la chaudière. C’était l’étape que nous guettions. Sitôt le nouveau tas formé, nous allions nous cacher derrière ! Je me souviens de cet endroit obscur, mi-intime, mi-effrayant, derrière la montagne luisante et noire, près de la chaudière qui ronflait. Je me souviens de mon cœur battant lorsque j’étais accroupie là, bravant une fois de plus un interdit, mais comment résister à si bonne cachette !