Cerisier
Il y avait dans notre jardin un cerisier qui se couvrait en juin de petits fruits très rouges, sucrés à la périphérie et acides près du noyau. Certains disaient que c’était des merises, je n’ai jamais bien su si c’était vrai, et même si les merises existaient.
Tel qu’il était, ce cerisier était un arbre fabuleux. A bonne hauteur, sa large fourche confortable offrait un refuge parfait. Il suffisait d’un escabeau pour l’atteindre sans trop de peine. Une fois là-haut, on se sentait oiseau, pirate, reine ou robinson. Un peu séparé du commun des mortels, on pouvait s’étendre de tout son long sur une branche rugueuse pour y bouquiner ou y rêver tout à loisir.
Un été, nous y avions même transporté un tapis et une caisse, installant dans l’arbre un nid où nous nous serrions à plusieurs et tentions de jouer aux sept familles.
En juin, le cerisier avait tout l’attrait du fruit défendu. Oh nous avions le droit de manger des cerises ! Nous étions juste priés de ne pas nous gaver et d’en laisser suffisamment pour les adultes. Comme mes parents surveillaient par intermittence la bande de pillards que nous étions, nous n’avions trouvé rien de mieux que de nous suspendre à plusieurs à une branche rutilante, jusqu’à ce qu’elle craque et se détache de l’arbre. Nous nous emparions alors du butin et allions vite le cacher dans la cabane du fond du jardin, où, porte fermée, nous pouvions dépouiller à notre aise la branche couverte de cerises et dévorer les petits fruits juteux avec jubilation.
Un jour, j’en mangeai vraiment trop et j’eus une terrible indigestion !