Mon père
Mon père avait les yeux clairs et pétillants. Il était autoritaire, très pater familias, et pouvait parfois se mettre en colère : cela me faisait très peur. Mais le plus souvent il était taquin et trouvait toujours motif à me faire bisquer. Le matin, il venait m'embrasser encore tout plein de mousse à raser, pour me faire rire. Le soir, son retour était une fête attendue. J'étais déjà en pyjama et il me soulevait haut dans ses bras en m'appelant "vermisseau".
Papa était le roi des escapades et des vacances. Longtemps à l'avance, cartes déployées, il me conviait à les préparer avec lui. J'apprenais la géographie sur le tas, ce qui me rendait très fière ! Le moment venu, il avait le chic pour rendre la route attrayante et dénicher les endroits les plus agréables pour les haltes et le pique-nique. Hiver après hiver, été après été, c'étaient de belles vacances, riches d'aventures, de plaisir et d'enseignements. En voiture nous chantions "Ya Catherine de Russie, ya Troyes en Champagne, ya deux testaments, ya plus qu'un ch'veu sur la tête à Mathieu !" Papa chantait avec entrain, mais faux, ce qui était l'occasion de rire à gorge déployée.
Papa adorait le ski et la mer. Pour le ski, il eut à faire preuve de patience pour me communiquer sa passion, car je préférais les boules de neige. Pour la mer, en revanche, j'étais convaincue d'avance et c'est avec délice que j'appris à nager avec lui. La première fois qu'il dégonfla tous les boudins de ma ceinture, c'était à l'île de Porquerolles, dans l'eau tiède d'une plage au somptueux nom de plage d'Argent. Magie des vacances éclairées par l'ardeur et l'inventivité de mon jeune papa...