Par la faute d'une armoire blanche
C'était une haute armoire blanche, dans la cuisine. Elle paraissait immense à mes sept ans et je me demandais toujours quels trésors elle pouvait bien receler tout là-haut, là où Maman elle-même ne pouvait accéder qu'avec un escabeau. Un jour du mois de décembre, je me trouvai seule à la maison, Maman partie au marché. Vite, je m'emparai du lourd escabeau, le traînant difficilement devant l'armoire et le dépliant avec effort. Je grimpai les marches et arrivai tout en haut perchée, les yeux à même d'explorer les mystères de l'armoire blanche. Mon attention fut immédiatement captée par des livres et des jouets qui ne pouvaient être destinés qu'à l'unique enfant de la maison : moi. Parmi les livres, je repérai Les Petites filles modèles et aucun doute ne fut plus permis : le père Noël, à qui j'avais commandé cet ouvrage n'existait pas ! Le vieux bonhomme n'était autre que les parents, qui entreposaient les cadeaux tant convoités tout en haut de cette énigmatique armoire blanche ! J'enregistrai cette évidence sans trop de déception, car une tâche urgente m'attendait : commencer derechef à lire les aventures des Petites filles modèles, perchée là-haut sur mon escabeau. Ah comme cette lecture et son goût d'effraction me parurent délectables !
Le grand soir venu, je fis comme si de rien n'était, attendant juste un peu plus sagement que d'habitude que résonne la clochette annonçant le passage du Père Noël. Prudente, je tus ma découverte, me demandant si, l'an d'après mes parents m'offriraient encore des cadeaux alors que je ne croyais plus au mythe soigneusement entretenu.