Catéchisme
En huitième commençait le vrai catéchisme. Cela ne se passait pas à l’église, mais dans une salle claire et carrée, dans le haut d’Antony. Nous y allions à pied, Mireille et moi, en prenant un raccourci à travers une ruelle pavée, un peu mystérieuse, qui ne ressemblait à aucune autre rue de notre bourgade. Le chemin était déjà un plaisir, avec une halte rituelle au milieu de la rue, dans un petit magasin qui vendait des fils à scoubidou, des roudoudous et des petits jésus en sucre blanc ou rose. On pénétrait dans cet antre sombre en faisant tinter une clochette attachée à la porte et en descendant deux marches. On hésitait longuement pour savoir à quoi seraient consacrés les dix centimes du jour, puis on partait vite et on finissait le trajet au galop.
Pour rien au monde nous n’aurions voulu être en retard, car nous adorions l’Abbé Soudry, qui nous faisait le catéchisme. C’était un homme débonnaire, de haute stature, revêtu d'une soutane, qui abritait sous de grandes lunettes rondes un bienveillant amour pour les enfants. Il nous enseignait le catéchisme dans la joie et l’humour, et nous riions souvent à gorge déployée.
Pour autant, il aiguisait notre conscience et savait nous ouvrir au divin tout en développant notre sens critique. Un jour qu’il nous préparait à la communion, il nous conta l’histoire d’une fillette qui avait bravé l’interdit et croqué un morceau d’hostie. Alors, nous dit-il, des flots de sang se mirent à sortir de sa bouche, car elle avait blessé Jésus, qui saignait atrocement. Figées, muettes, nous absorbions cette histoire épouvantable.
« Est-ce que vous me croyez ? » nous dit le prêtre. Et comme nous hochions la tête il s’écria : « Mais non, mes enfants, que vous ai-je donc appris depuis le début de l’année ? Jésus vous aime, vous le savez bien, alors jamais il ne jouerait un tour pareil à une petite fille un peu trop curieuse qui aurait croqué l’hostie au lieu de l’avaler. Ne vous en faites pas, si vous croquez un bout d’hostie, il ne vous arrivera rien, et surtout réfléchissez toujours avant de croire n’importe quelle histoire ! »